De S le 24 juillet 2012
Bonjour tout le monde.
Pour celles et ceux qui suivent mon blog, même si je ne l'alimente plus beaucoup ces derniers temps, vous devez vous douter que je fais partie de ces tranz qui se disent militant-e-s. Je fais donc mon coming-out militant. Si on peut dire cela ainsi.
Je suis donc S. pour Sun Hee Yoon, qui est en réalité un pseudo que j'utilise - comme Liao par exemple - et le dernier arrêt de la cour de cassation sur le changement d'état civil des personnes tranz est en faite, mon arrêt, dans ma procédure juridique contre la France. (il y a eu un autre arrêt de la cour de cassation ce même jour pour une personne tranz FtM)
Pour rappel :
http://yagg.com/2012/06/12/changement-detat-civil-des-trans-le-grand-pas-en-arriere-de-la-cour-de-cassation/
En France, il n'y a pas de loi qui régisse le changement d'état civil des personnes tranz, c'est jurisprudentiel, avec la jurisprudence de 1992 suite à la condamnation de la France par la CEDH lors du procès de B. c/ France (en faite cette procédure a duré 5 ans, contrairement à ce que j'ai pu dire dans d'autres articles de mon blog, c'est 17 ans après l'arrêt de la cour de cassation qui interdisait le changement d'état civil des personnes trans, mais B. a commencé ses procédures juridiques qu'en 1987). Et récemment, le 7 juin 2012 (on est quand même en 2012...) la cour de cassation, par deux arrêts, a durci les conditions de changement d'état civil en exigeant explicitement la stérilisation et en renforçant les demandes de triples expertises lors des requêtes devant les tribunaux de grandes instances (TGI).
Petit retour en arrière.
J'ai commencé mon parcours en 2006, j'ai obtenu une SRS (sex reassignment surgery) en 2008. Je suis immédiatement allée voir une avocate pour un changement d'état civil, la mention du sexe et les prénoms. Je n'étais à l'époque ni militante, ni dans l'associatif. Cependant j'avais lu plusieurs témoignages sur des forums tranz qui aujourd'hui sont fermés - comme Fabulous Gonzesses - sur les triples expertises. C'était plutôt terrifiant. J'avais un dossier plutôt en béton, toutes les attestations nécessaires, et je correspondais à tous les critères que les médecins pouvaient me demander. Mais parce que j'ai eu l'idée d'aller me faire opérer en Thaïlande, le TGI de Paris a malgré tous mes certificats décidé de m'imposer une triple expertise. Cela m'a révoltée, c'est ainsi que je suis devenue une militante.
Informant mon avocate que jamais je ne me soumettrai à la triple expertise, elle m'a reçue à son bureau et m'a expliquée la procédure possible pour éviter cette triple expertise.
Comme il y avait eu une ordonnance de triple expertise avant le jugement statuant sur le changement d'état civil, il y avait un premier combat sur la forme juridique avant de pouvoir commencer le combat sur le fond juridique.
Le premier étant : Comment exercer mon recours en justice.
La deuxième étant : Comment la justice allait juger mon cas.
Donc pour pouvoir exercer mon recours, je devais déjà faire appel sur l'ordonnance de triple expertise, je suis donc en cour d'appel de Paris, le président de la cour d'appel répond suite à ma requête auprès de la cour d'appel que le dossier est irrecevable. Je dois donc aller à la cour de cassation. Mon avocate, avec l'aide d'un avocat au Conseil rédigent un mémoire pour la requête devant la cour de cassation. A la lecture de ce mémoire, mon avocate et moi le trouvons exécrable. Nous apprendrons plus tard que cet avocat est tranzphobe et fait semblant d'accepter des dossiers tranz pour pouvoir mieux les couler.
Par chance, une juge du TGI trouve scandaleux que les magistrats usent de ce stratagème pour faire perdre des années aux requérants. Même si elle n'est pas d'accord sur le fond de ma demande, elle n'est pas d'accord sur la forme de la procédure et me permet donc d'éviter d'attendre que la cour de cassation se prononce en rédigeant un jugement qui me déboute (refuse ma demande). En réalité elle me fait gagner entre 3 et 7 ans de procédure.
Ayant maintenant un jugement qui me refuse mon changement d'état civil, je peux faire appel sur le fond de mon dossier. La cour d'appel me déboute en ignorant deux des trois certificats médicaux qui attestent que je suis opérée (et donc stérile) et traite le dernier de "lapidaire" et de possiblement faux puisqu'il vient d'un docteur en Thaïlande.
Je poursuis devant la cour de cassation qui rendra le jugement du 7 juin 2012.
De la tranz sans histoire, qui voulait faire son parcours "tranquillement", je suis devenue celle qui veut faire condamner la France devant la cour européenne des droits de l'Homme.
Ce qu'il faut savoir, c'est qu'à force de travailler sur ce dossier, nous pouvons maintenant relier l'ordonnance de triple expertise à l'eugénisme. Les avocats qui travaillent avec moi sur mon dossier mettront ce mot "eugénisme" dans le recours devant la CEDH. Car, comme le précise l'arrêt du 7 juin 2012, la triple expertise sert à prouver l'opération stérilisante, et donc la stérilisation, soit l'eugénisme. Certains pourront trouver ce terme trop fort. Pourtant, c'est ce qui est, c'est la situation aujourd'hui.
Mais dans le jugement du 7 juin 2012, la cour de cassation a mis que par "principe" je refuse ces expertises, et donc c'est un motif suffisant que pour la CEDH considère ce dossier comme irrecevable, car je refuse la procédure, cela est mieux expliqué ici :
Dalloz Cass, Civ 1, 07 06 2012
Je dois donc, pour optimiser les chances de recevabilité de mon dossier auprès de la CEDH, faire un dossier le mieux argumenté possible. L'un des principaux arguments étant un dossier qui regrouperait les témoignages d'expertises qui se sont mal déroulées. Si j'arrive à démontrer que ces expertises sont dégradantes et humiliantes, témoignages à l'appui, mon dossier devrait être recevable et je pourrai faire condamner la France.
Suite à la publication de ces 2 arrêts du 7 juin 2012, certains TGI (comme celui de Lille) se remet à demander systématiquement des expertises, alors qu'avant ce n'était pas toujours le cas dans les autres TGI (autre que celui de Paris). Il faudrait aussi que je prouve que depuis la publication de ces 2 arrêts du 7 juin 2012 par la cour de cassation, les autres TGI se remettent à demander des expertises alors qu'avant ce n'était pas le cas, cela serait un argument supplémentaire pour faire condamner la France.
A quoi servirait de faire condamner la France par la CEDH ?
Comme la France a signé la Convention de Sauvegarde Européenne des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, elle se doit de respecter les jugements de la CEDH et de mettre son droit en conformité avec le droit européen.
Si j'arrive à faire condamner la France, il se pourrait que la France soit condamnée pour eugénisme ou traitement inhumains ou dégradants, pour non respect à la vie privée, pour violation de l'interdiction de discrimination. Cela pourrait avoir pour conséquence que les personnes tranz pourraient avoir un changement d'état civil sans obligation de stérilisation, à partir de là, il faudra faire attention à toutes les histoires de filiation, mais globalement les droits LGBT dans leur ensemble feraient un bond en avant, surement bien supérieur aux lois qui sont actuellement à l'étude au parlement.
Comment m'aider ?
Si vous avez eu un changement d'état civil, quel qu'il soit, me l'envoyer.
Si vous avez du subir une triple expertise, en faire un témoignage et me l'envoyer avec une copie de votre pièce d'identité recto verso. Le témoignage doit être précis, factuel, détaillé, il peut mentionner les noms des médecins, il doit avoir la date des expertises, la date de l'ordonnance des expertises.
Dans tous les cas, le cabinet d'avocat vous garanti l'anonymat et ces témoignages ne serviront qu'au recours en justice devant la CEDH.
Merci d'envoyer vos contributions le plus vite possible, à cette adresse :
Cabinet Pixel Avocats
4 rue Théodore de Banville
75017 Paris
Ou bien par mail : magaly.lhotel@pixel-avocats.com
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